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Une nouvelle lune s'était élevée au dessus de la ville depuis quelques heures maintenant. Et telle une chauve-souris quittant sa caverne une fois l'astre du jour passé de l'autre côté de la Terre, Eric avait abandonné sa planque pour une nouvelle sortie nocturne. Il avait revêtit son long manteau noir comme il le faisait assez souvent, et quitta le vieil appartement en ruine, précédé par le Corbeau qui prit son envol et passa au dessus de la ville de New-York qui ne dormait jamais. Pourra t-il enfin parcourir cette ville sans rencontrer la moindre horreur ? Il en doutait de plus en plus au fil des jours qui passaient. Chaque fois qu'il pensait être tombé sur le pire, il en venait un autre le lendemain comme si de rien n'était, venant avec toujours plus d'atrocité en tête à faire subir à ses semblables. Pourquoi les humains tenaient tant à inventer un Diable pour leur faire du mal ? Il y arrivait tellement bien tout seul.
Le jeune homme arpentait les rues, non pas sans prudence, mais pas sans retenue pour autant. Il ne cherchait pas la petite bête. Il ne cherchait pas l'horreur. Mais le plus souvent, cette dernière venait à lui tout seul. On pouvait se dire que fréquenter ce genre de petites ruelles, si sombres et désertées, c'était provoquer le rebus de l'humanité. Mais dans un monde où la vraie humanité perdurait, chaque parcelle d'une cité, sombre ou éclairée se devrait d'être sécuritaire pour chacun. Pourtant, là n'était pas le but d'Eric que de tomber sur quelques malfaiteurs citadins. Quand ça arrivait, c'était toujours par pur hasard. S'il entendait un cri de détresse, s'il voyait un crime se commettre, alors il ne pouvait rester sans agir. Mais en fin de compte, ça n'avait jamais été sa priorité de jouer les justiciers. Apparemment, il y en avait dans cette ville qui ne s'exerçaient qu'à ça.
Eric vadrouillait la nuit parce qu'il s'y sentait le mieux. Il passait inaperçu, les autorités ne lui cherchaient ainsi pas les noises. Il voulait éviter de croiser du monde. Mais que ce soit là dehors, ou dans sa planque, son esprit était toujours concentré sur une seule chose. Le visage de cette femme qui apparaissait dans le clair de lune. Celle qui venait à lui quand il fermait les yeux. Celle dont la voix pouvait encore résonner dans sa tête. Dans ses pensées sans but utile à ce monde, le jeune homme s'était éloigné des buildings, pénétrant un quartier plus reculé qui lui avait toujours parut plus paisible que les autres. Le port s'étirait le long de la côte. Les quais se succédaient et les pontons étaient innombrables.
Il n'y avait pas un chat. Où peut-être que si. Au moins un. Eric s'arrêta à la vue de la silhouette à quatre pattes, venue guetter peut-être un poisson oublié dans les parages. Il n'eut pas peur de l'homme. C'était un matou tigré, au pelage ébouriffé et probablement errant depuis un bon bout de temps. Mais il n'était pas maigre et semblait bien faire sa vie ici. Le guitariste se pencha vers la créature qui était venue à sa rencontre, la queue dressée. Quand il lui tendit la main, le félin la flaira un moment avant d'y frotter sa joue moustachue. Eric eut le temps de lui faire une brève caresse sur l'encolure avant que la bête ne s'éloigne de lui en trottinant, ayant bien comprit qu'il n'y avait rien à manger pour lui ce soir. Eric le suivit un moment du regard. Gabriel, son chat dans sa vie d'avant, savait lui manquer grandement aussi. Il avait toujours eut un truc avec ces félins. Il avait toujours eut la cote avec eux.
L'homme s'apprêta à poursuivre son chemin quand il eut l'impression un moment d'être observé. Son instinct le trompait rarement et il décida de ne pas l'ignorer bien qu'il n'y réagit pas pour autant. Le Corbeau, qui avait fait le tour des lieux, n'avait perçut aucun danger après tout. Eric reprit alors sa route. Non loin de l'eau trônait alors une grue qui surplombait les bâtiments du secteur. La ville avait encore pas mal de travaux à faire un peu partout avant d'être à nouveau aussi parfaite qu'avant. Sans gêne, Eric entreprit de l'escalader. Peut-être une manière de tenir à distance la présence qui était sur ses talons ? En vérité, la vue du large depuis cette hauteur était d'avantage attirante comme argument, autant que celui de se rapprocher un peu plus des cieux en cette nuit calme. Pour une fois calme.
Sur le toit de l'engin, il s'y assit, une jambe repliée contre lui, une autre pendante dans le vide alors que devant se dressait les flots scintillants sous l'astre lunaire. Le Corbeau ne tarda pas à le rejoindre, se posant finalement sur son épaule, tandis que l'homme observait l'horizon et les étoiles du ciel qui se mêlaient aux reflets célestes du bout de la baie. On aurait presque dit que c'était de par là-bas qu'elles jaillissaient. Du moins, c'était ce que l'esprit poétique d'Eric se disait en le contemplant. Quiétude. Voilà le seul mot qui lui vint en tête à ce moment là. Si rare. Un soupire s'évada de ses lèvres noircies par ce sourire maquillé qui lui fendait le visage. Un vent léger, marin, agita sa tignasse. Les nuits étaient encore fraîches et il n'avait nul autre désir que de pouvoir à nouveau sentir la chaleur de Shelly contre son corps.
Le Corbeau posa son regard sur une silhouette qui semblait vouloir les rejoindre. Eric en fut presque frustré d'être dérangé par cette vision qui lui vint. Il s'en débarrassa rapidement sitôt l'individu reconnu, et ne s'inquiéta guère de sa présence ici. Mais au moins, maintenant, il savait que c'était bien lui qui le suivait depuis tout à l'heure. Restait à savoir s'il comptait réellement détruire ce moment de plénitude pour une raison ou pour une autre, ou si sa présence ici se révélait gardait la sérénité de l'atmosphère présente intacte.
Dans ce quartier excentré de la ville, il y avait encore trop d’immeubles, trop d’enseignes qui n’avaient pas été réparées. Ça rendait la filature de Dick plus facile, malgré la dextérité de sa cible. Ça donnait un aspect, une ambiance, de post fin du monde au décors, par endroit. Ça donnait surtout au ciel un nouvel éclat, puisque dans cette zone moins de néons, moins de lumières et de réverbères ne brillaient.
Du haut de la grue où venait de se poser Dick sans le moindre bruit, c’était encore plus spectaculaire. Il était rare, près d’une grande ville comme New York, de pouvoir voir autant d’étoiles. Souvent le ciel devenait aveugle, chassée de la vue des hommes par leur propre peur du noir.
« je ne peux qu’approuver le point de vue, honnêtement.»
Il n’avait pas parlé trop fort, pour ne pas troubler le calme des lieux. Et pour le moment, il se contentait de rester plus loin sur la grue, aussi à l’aise sur ces barres de métal que s’il avait été tranquillement en train de se promener sur le quai. Il regardait le ciel plutôt que l’homme qu’il avait rejoint, sans agressivité aucune. Il verrait vite si sa présence était dérangeante ou pas. Il ne se cachait pas. Toujours vêtu de son uniforme noir barré de bleu, masque sur les yeux, seul le sac en papier blanc qui semblait oublié dans sa main tranchait vraiment sur le décor derrière lui. Dick n’avait pas la prétention de prendre The Crow par surprise. Il ne savait pas encore quelle partie de son pouvoir lui permettait de sentir arriver les choses, à quel point son talent de… médium, sans doute, pouvait être dirigé à ces fins. Peu importe. Il se renseignait encore sur lui, et prendre le contact pouvait l’amener à avoir des informations supplémentaires. Il savait déjà où habitait The Crow, savait qu’il sortait la nuit. Qu’il ne passait pas son temps à attaquer des gens, ce qui était un bon point non négligeable. Et aussi, que son corbeau de compagnie n’était jamais bien loin.
Amusé, Dick pose le regard sur l’oiseau au plumage plus sombre que le ciel qui les entoure. Il penche la tête, comme s’il essayait d’entendre ce que peut penser l’animal -et il ne serait qu’à moitié surprit de l’entendre se mettre à parler tout court-
« Tiens, tu es là toi aussi. Tu as un nom ? »
Il y a une certaine affection dans sa voix, Dick a toujours adoré les animaux. Et celui là a l’air particulièrement intelligent. Dick serait prêt à parier que c’est le même que celui qu’il a déjà rencontré, même s’il est possible que The Crow en ai tout un arsenal.
« Tu penses que ton maître accepterait pour ce soir un peu de compagnie … ? »
La question était rhétorique, et bien plus tournée vers l’homme en noir que pour son oiseau. Dick le regardait à présent, un léger sourire aux lèvres. A voir si le maitre des corbeaux se laisserait approcher…
Nightwing commenta le spot sur lequel il venait de rejoindre Eric, le regard tourné vers l'océan, partageant la vue du premier à être venu ici. Cette grue ne valait sans doute pas la vue que pouvait offrir le World Trade Center, mais il était vrai que le panorama n'était pas négligeable non plus. Il restait satisfaisant, sans parler de la quiétude des lieux, préservée par le ton bas qu'avait décidé d'employer le jeune justicier. Eric ne répondit pas. A vrai dire, il s'interrogeait quelque peu sur la présence de Nightwing ici même. Ca n'avait rien d'une coïncidence et il savait que c'était lui qui l'épiait depuis un moment. Le fait que l'homme se soit présenté ainsi, sans chercher à être discret ou à le prendre par derrière témoignait sans doute d'une présence pacifiste malgré le différent qu'il y avait eut entre eux la dernière et première fois qu'ils s'étaient vu. Eric ne s'était pas attendu à le revoir de sitôt pourtant. Ses rencontres étaient si hasardeuses, et la ville si grande.
Le Corbeau ne lâchait pas Nightwing du regard, laissant échapper un léger croassement presque semblable à un roucoulement. Le regard du justicier s'était posé sur l'oiseau et se fut durant ce moment de silence et d'observation que Eric choisit de tourner également les yeux vers le jeune homme qui semblait intrigué par le volatile sombre. Eric considéra ainsi Nightwing en silence, jusqu'à ce que ce dernier se mette à...interroger l'oiseau ? Mais au ton de sa voix, Eric voyait bien qu'il se montrait amical envers l'animal. Il n'était pas courant que les gens éprouvent de la sympathie pour les corbeaux. Ces animaux représentaient la mort, signe de mauvais augure. On les accusait de fourberie et d'être charognard, de porter malheur et tant d'autres choses encore. On pouvait s'attendrir devant un moineau, ou une colombe, mais rarement devant un corbeau, surtout aussi gros que celui-ci.
- Les animaux n'ont pas besoin de nom, répondit Eric sans lâcher l'homme des yeux.
Sauf quand ils étaient propriété des Hommes. Mais même un chien sans maître se moquerait pas mal de savoir comment on l'appelait. Le regard d'Eric croisa celui de l'homme qui semblait vouloir rester. Enfin, de ce qu'il pouvait voir de son regard à lui en tout cas. Ce n'était pas évident derrière un masque. Accepter la compagnie n'était guère dans ses habitudes cela dit. Cependant, c'était le cas surtout parce qu'il ne la cherchait pas, mais aussi parce qu'elle ne venait pas non plus. Il n'avait jamais regretté que Kobik ait fait le choix de venir le rencontrer après tout.
- Je ne suis pas son maître, reprit l'homme avant de reposer son regard vers l'océan.
D'ailleurs, s'il fallait désigner un maître entre les deux, ce serait plutôt l'oiseau !
- Que me vaut l'honneur de ta présence ? Marcher dans mes traces ne t'apporte plus de satisfaction ?
L'homme ne semblait pas être venu ici avec de mauvaises intentions, c'était la seule chose dont Eric pouvait être un peu près sûr. Mais il n'empêche que le justicier l'avait tout de même prit en filature mine de rien.
La réponse de The Crow sur le nom du corbeau fait rire Dick doucement. Ce n’est pas la première fois qu’il entend ce genre de propos sur un animal, et il voit ce que l’homme en noir veut dire. Alors il se contente d’un petit signe de tête au volatile au regard si vif, avant de s’avancer tranquillement vers The Crow, aussi à l’aise à des dizaines de mètres du sol que s’il se baladait sur un trottoir.
- Mes excuses, j’aurais dû dire « son ami » sans doute.
Puisqu’on ne lui demande pas particulièrement de partir, Dick considère que sa présence est au moins tolérée un moment. C'est un peu cavalier comme attitude, mais il n'a pas suivit The Crow et ne s'est pas révélé à lui pour repartir sans forcer un peu sa chance.
- Pour tout dire, je suis assez curieux depuis notre rencontre. On n’a pas vraiment eu le temps de discuter la dernière fois. Je me dis qu’on pourrait profiter de l’occasion.
Il s’installe pas bien loin d’Eric, les jambes battant dans le vide, mais lui laisse l’espace suffisant pour ne pas se sentir envahit. Ou qu'il pense que Dick se tient prêt à l'agresser. Ils savent tous les deux qu’une poignée de centimètres ne changerait pas grand-chose s’ils en venaient à se battre sur ce genre de terrain. Mais Nightwing tiens à le montrer, il n’est pas là pour ça. Il fixe l’horizon à son tour, pensif, envahit par le calme de la nuit. Le bruit et l’agitation des rues semble loin ici, pourtant, même une New York comme celle-ci, marquée, traumatisée, ne dort jamais vraiment.
- Ce qu’il s’est passé la dernière fois… Et ce que tu m’as montré. Ne crois pas que je l’ai pris à la légère. Et je ne suis pas un croisé en mission de conversion non plus.
De nouveau, il se tourne vers l’homme au visage blafard, et son expression reflète le sérieux qu’il accorde au sujet. Assez vite, pourtant, un sourire revient sur ses lèvres. Encore gardé, mais chaleureux. Il n’est pas là pour se battre. Il veut faire connaissance, déjà. Voir si en certaines circonstances The Crow pourrait de nouveau être un allié.
Malgré son envie d’achever le tueur en série qu’ils poursuivaient tous les deux, Dick n’arrive pas à garder une mauvaise impression de lui. Il ne sait que trop bien à quel point les apparences peuvent être trompeuses, les jugements hâtifs. Et surtout, il sait que ses propres règles, celles de Bruce, auxquelles il croit de tout son être, sont susceptibles d’être bien trop facilement brisées. Alors non, il n’est pas venu convertir The Crow, ce soir. Ou lui faire la morale. Il tente techniquement un rapprochement, et pour ça, il est plutôt doué. Il sait que sa familiarité peut être déstabilisante, et que c’est un atout aussi, quand il tend vers l’homme au corbeau son sachet de papier, dans lequel les churros restants sont encore chaud et moelleux.
- J’ai apporté ça en guise d’offre de paix. Tu en veux ?
"Son ami" ? Oui, ça pouvait sonner déjà un peu plus juste. En tout cas, Eric avait tendance en effet à prendre cet oiseau pour un ami, le dernier qui lui restait d'ailleurs et le seul qui partageait tous ses secrets. C'était sans doute même plus qu'un ami pour lui, c'était un guide, un protecteur. Eric aurait beaucoup de mal à poser un nom à sa relation qu'il avait avec l'animal. Mais c'était une relation unique, indestructible et ça, c'était une certitude. Ce n'était pas qu'une question de lien occulte. Il s'était réellement attaché au Corbeau, ce dernier demeurait sa seule compagnie. Une compagnie qui l'accompagnera jusque dans l'au-delà. Rien que pour ça, il lui offrait une étrange présence rassurante.
- Si on a discuté, répondit l'homme, ça n'a simplement pas abouti à grand chose.
Même si "discuter" restait un bien grand mot avec les échanges qu'ils avaient eut auparavant. A part avec Kobik, Eric n'avait plus vraiment eut de vraie discussion avec qui que ce soit depuis longtemps. Alors la définition du phénomène pour lui s'était quelque peu altérée. Il observa le jeune justicier prendre place à son tour sur la grue, avec toute l'aise qu'il était possible d'avoir sur un perchoir de ce genre. Nightwing reprit alors, mentionnant ce qui était arrivé la dernière fois. A quoi bon ? De toute manière, ça n'avait servit à rien.
- Je sais, fit l'homme en haussa les sourcils, le regard baissé vers le contrebas bien lointain.
Il avait bien vu, au moment des faits, que ce qu'il avait fait à Nightwing avait chamboulé ce dernier. Grandement chamboulé même. Il y avait de quoi évidemment, quand on se retrouvait directement à la place de victimes d'un dangereux sadique psychopathe. Mais en dehors de ça, Eric avait également vu que le justicier était trop ancré dans ses principes moraux pour faire ce qui devait être fait selon lui. Si ça n'avait pas été le cas, vu sa réaction face au pouvoir d'Eric, il n'aurait pas hésité une seconde à se ranger de son côté pour achever le criminel. Ceci dit, Nightwing devait sans doute savoir qu'il avait affaire à quelqu'un qui avait déjà tué. S'il suivait ses principes si précieux, peut-être avait-il une autre idée en tête en débarquant ici.
- Es-tu venu m'arrêter ? demanda Eric avec un calme olympien.
C'est alors que le justicier lui tendit soudain une enveloppe de papier dans laquelle subsistaient quelques churros. Eric observa les bâtonnets striés un moment. Il fut assez étonné de cette vision à laquelle il ne s'attendait pas et ne put réprimé un sourire quelque peu amusé de la situation. Son regard dévia sur Nightwing.
- Originale comme déclaration de paix, admit-il.
Il déclina toutefois l'offre d'un bref signe de la main.
Sam 23 Avr 2022, 22:24 par Invité